Au Guatemala, le président se heurte à « Ivan le terrible »

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Jimmy Morales veut expulser le magistrat colombien à la tête de la commission de l’ONU contre la corruption.

Le président du Guatemala, l’ancien comique de télévision Jimmy Morales, s’est sans doute tiré une balle dans le pied. Il a suscité un tollé en déclarant persona non grata, diman­che 27 août, le Colombien Ivan Velasquez, le magistrat qui est à la tête de la Commission internationale contre l’impunité au Gua­temala (Cicig), placée sous les auspices des Nations unies. Les États-Unis et l’Union européenne, qui soutiennent cette ins­tance créée en 2006 pour suppléer la justice guatémaltèque dé­faillante face au fléau de la corruption, ont menacé de suspendre toute aide au pays centraméricain.
État failli, infiltré par le crime organisé après des décennies de guerre civile et de dictature (1960-1996), le Guatemala commen­çait à peine à reprendre confiance dans ses institutions, grâce justement à la Cicig. « La Cicig est un exemple au niveau interna­tional de bonnes pratiques dans la lutte contre l’impunité et la cor­ruption», assure la Fédération internationale des droits de l’homme, qui a qualifié l’expulsion du magistrat d’ « attentat con­tre la démocratie ». La collaboration entre Ivan Velasquez et la procureure générale Thelma Aldana avait fait ses preuves.

Plusieurs ministres et hauts fonc­tionnaires, en désaccord avec la déci­sion présidentielle, ont présenté leur démission. Lundi, dans la capitale, où les Guatémaltèques se sont aussitôt mobilisés, des manifestants plébisci­taient « Ivan le terrible» et « Aldana la justicière». La célérité avec laquelle les habitants sont descendus dans la rue rappelle les manifestations d’août 2015, qui avaient provoqué la chute du prédécesseur de Jimmy Mo-rales, le général Otto Pérez Molina.

Les électeurs avaient alors plébiscité le comédien, qui se pré­sentait au scrutin présidentiel d’octobre 2015 comme un rem­part contre la corruption généralisée. Problème, un frère et un fils de M. Morales ont été, à leur tour, dans le collimateur de la justice pour des malversations remontant à 2013. Le chef de l’État n’a guère apprécié et l’a fait savoir. Ensuite, c’est sa propre cam­pagne électorale qui a été soupçonnée de financements illicites. Le parquet guatémaltèque, suivant les recommandations de la Cicig, a demandé, vendredi 25 août, la levée de l’immunité prési­dentielle. La Cour constitutionnelle a immédiatement mis son veto à la décision du président d’expulser Ivan Velasquez. Ce no­vice en politique a pris le risque d’une crise de régime pour échapper à la curiosité des juges. La question de son maintien à la tête de l’État se pose désormais.

• PAULO A. PARANAGUA – Le Monde 31.08.2017