Situation économique

 

6. DEUX BLOCS ANTAGONISTES

De façon schématique nous pouvons regrouper en deux blocs les personnes et les associations qui ont à faire avec les multinationales.

6.1 Le bloc du développement global capitaliste.

Les multinationales ont un grand pouvoir, parce qu’elles ont un haut degré d’influence et de capacité à convaincre ceux qui prennent les décisions et possèdent de grands capitaux financiers et des connaissances techniques et juridiques. Les multinationales travaillent toujours avec un homologue local, les propriétaires fonciers, les grands hommes d’affaires de la classe dirigeante.

Le gouvernement, les différents ministères (malgré parfois des contradictions superficielles) sont favorables aux multinationales et permettent et appuient leurs activités.

L’armée au Guatemala est un pouvoir économique avec des intérêts dans certaines multinationales. Des secteurs de cette institution se sont enrichis avec le trafic de la drogue. Elle intervient souvent avec la police, sur ordre du gouvernement, pour expulser de façon violente les communautés indigènes dans le territoire où l’on veut établir une mine ou commencer la culture intensive du palmier à huile. Elle est aussi utilisée pour réprimer les protestations populaires.

Des bandes de mercenaires peuvent être payées dans le même but pour éliminer les leaders indigènes et syndicaux. Beaucoup de ces bandes sont formées par les «gardes blancs», des criminels des «patrouilles d’autodéfense civile» qui ont participé au génocide. Les sociétés multinationales utilisent aussi beaucoup d’agents des sociétés privées, fondées dans la plupart des cas, par d’anciens militaires. Il y a au moins 70 000 gardes armés privés dans le pays. Les médias nationaux qui appartiennent aux secteurs de la classe dominante et les internationaux, dans la plupart des cas, diffusent des nouvelles favorables aux multinationales. De nombreux juges ont participé à la criminalisation de beaucoup de dirigeants indigènes, de syndicalistes, de défenseurs des droits humains.

Presque tous les partis politiques au Guatemala, à l’exception d’un très petit parti de gauche qui a présenté Rigoberta Menchu ​​lors des dernières élections présidentielles, sont favorables aux entreprises multinationales. Aux niveaux supérieurs de ce bloc nous trouvons les pays prédateurs d’où proviennent les multinationales qui les défendent par tous les moyens de pression à leur disposition. Si nécessaire, ils renversent les gouvernements populaires qui s’opposent à la dévastation causée par la mondialisation capitaliste comme nous l’avons vu dans l’histoire du Guatemala. Nous rappelons que ni l’Union Européenne, ni les ambassades des pays concernés, ne sont intervenus pour défendre les droits des communautés indigènes contre les abus des multinationales européennes.

Le sommet de ce bloc est constitué par les banques, en particulier celles de la City de Londres, de Wall Street et aussi par les banques internationales, telles que la Banque Mondiale, la Banque Centraméricaine d’intégration économique et la Banque interaméricaine de développement. Il y a des banques européennes qui achètent des milliers d’hectares pour la culture de plantes qui sont utilisées pour produire des agrocarburants. Le temple de ce bloc est la bourse, le lieu physique ou électronique des grandes spéculations financières et la domination mondiale du marché libre où tout s’achète et tout se vend.

6.2 Le bloc du développement respectueux de l’environnement et des communautés humaines.

Plutôt que de s’opposer à l’activité industrielle elle-même, la résistance porte sur la manière dont elle est mise en œuvre, en violant les droits des communautés indigènes ou des autres habitants de l’endroit, et en ne respectant pas l’environnement et faisant main basse sur tous les bénéfices de l’activité. Les principaux opposants sont les personnes et les communautés, en général indigènes, qui vivent dans la région. C’est le combat de David contre Goliath, car ils ont peu d’argent, peu d’influence, peu de connaissance de la loi et des mécanismes de gouvernement. Les communautés s’opposent aux dommages causés par l’extraction du pétrole et des minéraux, l’intensification de l’élevage, la monoculture du palmier à huile, à la violation des espaces naturels et des sites archéologiques, à la déforestation, à la violation des droits des travailleurs, aux coûts élevés de l’électricité produite sur leurs terres. Dans toutes ces manifestations, ce sont principalement les femmes qui sont les protagonistes parce qu’elles défendent le droit à l’eau, à l’alimentation, à la vie. Ces manifestations comprennent des occupations de fermes, des barrages routiers et des démonstrations. Ces communautés peuvent compter sur le soutien de nombreux alliés. Dans certains cas, les municipalités elles-mêmes ne sont pas d’accord avec les décisions du gouvernement. A Santa Rosa, ils ont même eu l’appui des propriétaires fonciers et ont été en mesure de résister pacifiquement pendant trois ans. Parmi les nombreuses organisations qui les soutiennent nous trouvons :

Les organisations du peuple maya, les organisations des agriculteurs, les défenseurs du développement durable, de la protection de la nature, des droits de l’homme, des syndicats, de l’Institut de recherche de l’Université de San Carlos et de l’Université Landivar, Avancso, le prestigieux centre de recherche sociale. Il existe également des associations diocésaines. L’évêque Alvaro Ramazzini a pris la tête des protestations contre la mine Marlin et les évêques du Guatemala ont dénoncé à plusieurs reprises les actions nuisibles des multinationales et du développement économique basé sur la recherche du profit.

A côté de ces institutions et organisations au Guatemala il y a aussi de très nombreuses organisations non gouvernementales et des associations d’autres pays et les organisations internationales de défense des droits de l’homme, des syndicats, de la jeunesse, etc.

Au bloc de la mondialisation capitaliste s’oppose donc le bloc de la mondialisation du développement qui respecte les gens et la nature. On peut avoir comme symbole la vie, la vie comme une alternative à la bourse qui est la mort.

 

7. BRUTALITE DES PREMIERS TEMPS DE L’INVASION ESPAGNOLE

Les pratiques des sociétés multinationales, en particulier celles de l’exploitation minière, l’hydroélectrique, la pétrolière et la production des agrocarburants, les conflits avec la population locale qui accompagnent leurs activités, ont beaucoup de points en commun avec le comportement des envahisseurs espagnols d’il y a environ cinq siècles. Les envahisseurs modernes agissent comme des prédateurs dans le seul but de s’accaparer les richesses de la communauté nationale guatémaltèque sans aucun égard pour les personnes et l’environnement. Toutes les multinationales n’agissent pas de la même manière, mais toutes contribuent à l’appauvrissement et au pillage du pays. Dans de nombreux cas, la multinationale qui a obtenu l’autorisation du gouvernement pour démarrer une entreprise d’extraction de métaux ou de pétrole, fait expulser de force les communautés indigènes qui occupent ces lieux depuis des millénaires. D’un jour à l’autre, des dizaines de familles se retrouvent sans maison, sans travail, sans communauté. Ces expulsions ont souvent lieu avec l’aide de la police et de l’armée envoyée par le gouvernement ; parfois les multinationales paient des bandes criminelles ou utilisent leur propre milice privée. Les mêmes forces peuvent être utilisées pour réprimer les protestations de la communauté. Dans ces actes de violence il y a souvent des morts et des blessés. Un exemple entre tous: le 4 octobre 2012, l’armée a tiré sur une manifestation pacifique contre une centrale hydroélectrique anglaise Energuate à Totonicapan tuant neuf personnes et en blessant près de 50. Il existe de nombreux cas d’assassinats de dirigeants indigènes et syndicaux. Malheureusement, il y a aussi des viols collectifs. En Janvier 2007 à l’Estor, dans la région d’Izabal, où œuvre l’entreprise canadienne INCO, 11 femmes ont été violées. Pas une mine, une usine hydroélectrique qui ne soit le théâtre d’affrontements entre les habitants et les entreprises multinationales.

Les mêmes actes de violence sont effectués pour étendre la culture du palmier à huile. Des communautés indigènes entières sont expulsées de leurs maisons par la violence, comme c’est arrivé en Mars 2011 dans la Vallée del Polochic, où la police nationale et les bandes privées ont chassé avec violence la population, blessant 12 paysans, en tuant un, brûlant les maisons et détruisant les cultures . Les indigènes, qui ont tout perdu, sont obligés de travailler sur leurs terres dans des conditions de super exploitation.

Les lois internationales ou nationales ne sont pas respectées : par exemple, la résolution 169 du BIT sur les droits des peuples indigènes ratifiée en 1996 par le Guatemala qui oblige les autorités gouvernementales de consulter les communautés indigènes avant de commencer une activité industrielle sur leur territoire.