Amérique centrale : LA CRISE DE TROP
Nos médias sont envahis de pages ou d’émissions radio-TV « Covid – covid – covid » chez nous et dans les pays voisins. On en arriverait à oublier les ravages de la pandémie dans des pays plus pauvres et de surcroit (encore) moins démocratiques. Ajoutez-y crise migratoire et catastrophes naturelles à répétition. C’est le point sur cette situation que le CETRI a dressé avec 3 universitaires latino-américains dont la conclusion pointe le Guatemala :
« C’est un ensemble de phénomènes, naturels, politiques et économiques, qui poussent les Centro-Américains à fuir. Les conflits qui déchirèrent la région dans les années 1980, l’impact désastreux des ajustements structurels et des politiques néolibérales qui suivirent, les inégalités, la pauvreté, les discriminations culturelles, la violence mafieuse que font régner les gangs armés, l’emprise croissante du narcotrafic, l’insécurité alimentaire, la dénutrition, les États faillis, les démocraties fantoches, les politiques injustes, l’extrême vulnérabilité de la région aux catastrophes naturelles – éruptions volcaniques, tremblements de terre, ouragans, inondations, glissements de terrains, sécheresses… – exacerbée par les changements climatiques et la dégradation galopante de la biodiversité… L’ensemble a fait perdre l’espoir. Au Guatemala en particulier, où tous ces facteurs s’additionnent plus qu’ailleurs. »
Pour en savoir plus, lire ici l’article de Bernard Duterme (Cetri), Louvain-la-Neuve, novembre 2020
GIAMMATTEI ???
C’est le nom du vainqueur des élections présidentielles du 11 aout au Guatemala. Il entrera en fonction en janvier 2020. Seulement 40% des électeurs inscrits ont participé au vote. Une nette baisse par rapport aux scrutins précédents. On peut le comprendre : c’était le choix entre la peste et le choléra.
La présidence du comédien Morales ne laissera que de mauvais souvenirs au peuple. On se souviendra du drame du Hogar seguro (41 jeunes filles brulées vives) et de la détérioration des conditions de vie des plus pauvres. Cette année, il a mis un terme prématurément au mandat de la Commission internationale de lutte contre l’impunité (CIGIC). Il est vrai qu’elle avait trainé en justice pas moins de 650 proches du pouvoir. Dont le fils du Président ! La Commission avait donné l’espoir aux Guatémaltèques qu’il était possible de lutter efficacement contre la corruption et le crime organisé.
Des citoyens ont eu le courage de peindre une fresque avec la mention : « Merci CIGIC. Le peuple n’oubliera pas ». L’ex-patron de la CIGIC parle, lui dans Le Monde de « détérioration persistante de l’Etat de Droit, de démocratie en déliquescence, d’Etat capturé aux mains des groupes les plus puissants ». L’oligarchie dont nous parlons régulièrement.
Et demain ?
Ce nouveau président s’est entouré de gens peu recommandables parmi lesquels des financiers véreux, d’anciens militaires et même des narcotraficants !
Comme l’écrit l’hebdomadaire Nomada : « Le système peut respirer et célébrer sa victoire. Alors que la CIGIC l’avait mis dans les cordes entre 2014 et 2018 ». Giammattei a évidemment confirmé la décision de Morales : plus de CIGC ! Dans son programme, on ne trouve aucune mesure susceptible d’inquiéter le système et d’instaurer plus de justice sociale et fiscale.
Et pourtant le système a un urgent besoin d’être profondément réformé. Le diagnostic de Nomada est sévère, très sévère :
➜ Un pays profondément inégalitaire : 260 personnes détiennent 56% de la richesse nationale. Tandis que la moitié de la population souffre de malnutrition et vit sous le seuil de pauvreté.
➜ Ce modèle de développement a entrainé cette année la migration de 250.000 Guatémaltèques dans les rangs de la « caravana » que Trump a accueillie avec son mur et son armée.
➜ Le taux d’imposition est très bas (10%) et il ne permet pas d’investir dans les soins de santé, l’éducation, les services publics.
➜ Le pays connait une épidémie de violences et d’abus sexuels contre les femmes et les filles. Un discours de haine contre les communautés indigènes et la communauté LGTBI se répand
➜ Seul 35% de la population a accès à la sécurité sociale.
C’est dire si le contexte dans lequel travaille le Mojoca est difficile. C’est dire aussi que former des jeunes de la rue qui ne se laissent pas entrainer dans la violence, mais au contraire apprennent à se respecter, à développer des comportements citoyens, c’est un projet ambitieux.
ÉLECTIONS au Guatemala
Ce dimanche 16 juin les Guatémaltèques étaient appelés à voter pour élire un.e président.e de la République. Plus de 10 candidat.e.s étaient en présence, mais seulement 3 d’entre eux étaient susceptibles d’être en lice au 2ème tour (le 11 aout). La seule candidate qui aurait pu imprimer un cours nouveau à la politique guatémaltèque, Selma Aladana, a été mise hors jeu en avril (lire les articles). C’est l’épouse d’un ancien président de la République qui arrive largement en tête du scrutin de ce dimanche : Sandra Torres qui se prétend comme sociale-démocrate. En fait, elle fait partie de la même bande qui se relaie depuis des années au pouvoir et dont le premier souci est de maintenir et de promouvoir les intérêts de l’oligarchie.
Deux articles pour mieux situer les enjeux ici et encore ici.
CORRUPTION à tous les étages !
Ça continue et le Président Morales veut se débarrasser de l’encombrante CIGIC, une commission des Nations Unies qui a accompli une fameuse chasse aux corrompus. Mais il restait pas mal de boulot ! Lire ici et ici… et encore ici…
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Un COUP D’ÉTAT au Guatemala ?
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GUATEMALA : des chiffres révoltants
Aux mains de quelques dizaines de grandes sociétés nationales ou étrangères, l’agrobusiness guatémaltèque alimente le marché mondial en café, bananes, sucre, cardamone, biocarburants, … tandis que le secteur extractif le fournit en argent, zinc, or, etc. La valeur des produits agricoles exportés chaque année a été multipliée par 4 entre 2000 et 2015, celle des produits miniers par 8.
Durant la même période la pauvreté a augmenté de 7% pour atteindre 67% de la population. Lire l’analyse de Bernard Duterme (CETRI)
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LA VOLCAN, mais pas que !
Nous avons tous vu des images impressionnantes de l’éruption du volcan « Fuego » à 40 km. de la capitale du Guatemala. Aujourd’hui, c’est déjà presque oublié. Et pourtant il y a bien des choses à dire… A lire.
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GUATEMALA : rétro 2017
L’année 2017 au Guatemala est tristement dans la continuité des précédentes : poursuite du Président Morales et de son entourage le plus proche pour corruption. On en prend d’autres et on recommence !
Du neuf : un nouvel ambassadeur des USA (désigné par Trump) qui semble bien plus proche du régime que son prédécesseur. Malgré de nombreuses manifestations, le Parlement a refusé la demande de levée de l’immunité du Président.
La situation économique pâtit de la faiblesse des institutions et la grande pauvreté touche encore plus de personnes. Dans un contexte marqué par la culture de la violence dans tous les secteurs.
Sur tous ces sujets, on peut lire plus de précisions dans l’analyse (lire ici) qui introduit le rapport annuel sur les activités du Mojoca au Guatemala en 2017
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UN BILAN DE L’ANNÉE 2016
Une analyse de l’évolution de la situation politique dans le courant de 2016. Le retour à la « normale » après le printemps 2015 et les espoirs qu’il avait fait naitre. C’est le point de vue qui introduit le rapport des activités du Mojoca pendant l’année 2016.
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UN DANGEREUX « COMIQUE » ÉLU PRÉSIDENT !
Comme on pouvait s’y attendre, les Guatémaltèques (enfin ceux qui ont voté) ont porté à la présidence de la République un acteur « comique ». Rien de commun avec le regretté Coluche ! Ici, ce sont d’anciens militaires et des ultra-conservateurs qui l’ont poussé et « se cachent » derrière lui…
Le rejet des partis traditionnels corrompus a favorisé ce candidat sans passé politique … et sans programme !
Les analyses pointues de Bernard Duterme et de Gérard Lutte mettent cet épisode en perspectives. A lire toutes affaires cessantes…
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ÉLECTION SUR FOND DE SCANDALE ET DE CORRUPTION
La vice-présidente est en prison, le président de la République vient de perdre son immunité et a été contraint à la démission, de nombreux hauts fonctionnaires sont inculpés, … La contestation populaire et les preuves accablantes de corruption portent leurs premiers résultats.
Il n’empêche, le système est à ce point gangrené qu’il ne faut pas rêver ou espérer que sorte des élections du 6 septembre un « homme providentiel » ou des changements profonds. Les candidats sont nombreux. Un 2ème tour sera nécessaire en novembre.
Mais seule une solide coalition de toutes les forces populaires et indigènes pourrait déboucher, dans quelques années, sur un régime et des dirigeants réellement démocratiques et soucieux du sort de la majorité de la population. Lire l’article.
Un autre article sur le scandale des élections au Guatemala dans le journal Le Monde du 8 septembre 2015. Lire l’article.
Une solide analyse du mouvement populaire du printemps (en espagnol) met les élections en perspective. Un autre lien présente les 2 candidats au 2ème tour avec le détail de leurs soutiens, de leur passé politique, de leur programme, … Rien de très réjouissant !
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GUATEMALA, PAYS OUBLIÉ DES MÉDIAS
Silence, on assassine
Le Guatemala n’intéresse pas les journalistes et fait partie des pays oubliés des médias belges. D’après le rapport publié en décembre 2007 par le PNUD, il s’agit pourtant d’un des pays les plus violents au monde (parmi ceux qui sont officiellement en paix). Il présente des niveaux de violence considérablement supérieurs à la Colombie. Toujours d’après cette même source, le pays traverse l’un des moments les plus meurtriers de son histoire, pourtant déjà entachée par une guerre civile particulièrement traumatisante pour la population (1960-1996). Les chiffres parlent d’eux-mêmes: 2.655 homicides en 1999 et 5.885 en 2006. Ces statistiques de la Police Nationale Civile guatémaltèque montrent une augmentation moyenne de 12% par an du nombre d’assassinats, un pourcentage qui dépasse amplement le taux de croissance de la population qui est de 2.6% par an. Beaucoup de ces crimes touchent des innocents, femmes et enfants, et sont perpétrés dans des circonstances parfois véritablement odieuses. De cela, pas une ligne dans nos journaux, pas un mot à la télévision ou la radio. Rien.
Dans ce silence médiatique subsistent d’autres injustices. Ainsi, il s’agit d’un des pays les plus inégalitaires en termes d’accès à la terre. Au Guatemala, 2% des grands propriétaires se partagent 57% des terres. Et cette question, on le sait, est inexorablement liée à la pauvreté et à la souveraineté alimentaire. Or, Jean Ziegler, rapporteur des Nations unies sur le droit à l’alimentation, pointait dans son rapport de 2005 que les niveaux de malnutrition élevés s’étaient accentués au Guatemala. La pression foncière a d’ailleurs tendance à se renforcer ces dernières années dans la mesure où les latifundistes tentent d’accumuler davantage de terrains pour pouvoir augmenter les niveaux de production de canne à sucre destinées au commerce des agrocarburants. Malnutrition, populations délogées par la force… Sur ces questions aussi, les médias se taisent dans toutes les langues.
Sur le terrain, pourtant, des associations et mouvements sociaux tentent de faire entendre leur voix. Parfois au péril de leur vie. Bénéficiant du manque d’information de l’opinion publique, les intimidations et menaces à l’encontre des défenseurs des droits humains se multiplient et l’impunité est la règle dans un pays où moins de 2% des homicides commis font l’objet d’une condamnation. La courageuse lutte que mènent ces personnes ou organisations de terrain en quête de plus de justice et d’équité mériterait donc que les médias s’y intéressent davantage. Mieux encore, en parler, c’est aussi apporter un soutien, parfois extrêmement précieux, à leur combat.
Extrait du trimestriel Frères des Hommes, n° 96, mai 2009
GUATEMALA, NICARAGUA
Le double visage politique d’une même Amérique centrale
Extraits :
Bernard Duterme, décembre 2011
Directeur du CETRI
…. La fragilité de l’Amérique centrale réside dans ce qu’il y a de commun entre le Guatemala, le Nicaragua et leurs voisins immédiats : un même schéma d’extraversion économique qui maintient ces petits pays, sans consistance politico-financière face aux investisseurs extérieurs, dans un rapport de dépendance structurelle à l’égard du marché nord-américain, voire asiatique et européen.
La « croissance » centre-américaine
Riches en ressources naturelles – sols et sous-sols -, le Guatemala et le Nicaragua n’ont pas fondamentalement réussi à rompre avec l’antédiluvien modèle agroexportateur, toujours dominant (sucre, café, bananes, cardamone, tabac, viande … ). Faiblement industrialisé pour le premier (confection textile … ), très faiblement industrialisé pour le second, les deux pays participent même à une certaine « reprimarisation » de l’économie latino-américaine, à l’oeuvre ces dernières années à la faveur de la multiplication des projets miniers et de la poussée des agrocarburants. Et ce, pour l’essentiel, aux mains de grands groupes privés, nationaux ou transnationaux. Tout comme d’ailleurs l’industrie touristique qui fait florès au Guatemala, sans réelle contrainte fiscale, sociale, environnementale, ni culturelle. Envieux, le Nicaragua tente de l’attirer à son tour, en nivelant plus encore vers le bas toute forme de régulation.
Si ces deux économies – endettées et toujours aux ordres du FMI – enregistrent, bon an mal an, des taux de croissance « corrects » (3-4%), elles échouent en revanche lamentablement à nourrir l’ensemble de leur population. Le Nicaragua figure parmi les pays les plus pauvres de tout le continent et le Guatemala, où un enfant sur deux souffre de dénutrition, parmi les plus inégalitaires. Services publics amputés, institutions étatiques anémiées, défaillantes, infiltrées par les pouvoirs facticos et le narcotrafic au Guatemala, fiscalité directe ridiculement basse (moins de 10% du PIB!), corruption des élites, népotisme, largage social et sanitaire d’importantes « poches de pauvreté », saccage de l’environnement… Le dernier rapport du secrétariat de la Déclaration de Genève (octobre 2011) est venu y ajouter le comble : « l’Amérique centrale est aujourd’hui la région la plus violente au monde », ultime confirmation du climat de décomposition sociale qui prévaut.
L’« alternance » guatémaltèque
En réalité, c’est surtout le Guatemala (avec le Salvador et le Honduras) qui est affecté par des niveaux de violence affolants, et nettement moins le Nicaragua. C’est une différence notable entre les deux pays, non sans lien avec ce qui distingue leur scène politique respective. Une moyenne de 18 homicides par jour au Guatemala, 6 000 à 7 000 par an dans ce pays de moins de 15 millions d’habitants. D’après les Nations unies, 98% de ces crimes restent impunis, comme le demeurent d’ailleurs la plupart des responsables des« actes de génocide» perpétrés contre les populations indigènes durant l’interminable guerre interne (1960-1996). Aujourd’hui, l’État aurait perdu le monopole de la violence dans des régions comme le Sud du Petén et la Franja Transversal del Norte (là où le Guatemala se fait très étroit entre la Mer des Caraïbes et le Chiapas mexicain), en proie aux cartels de la drogue et aux agissements des maîtres du pétrole et des nouvelles plantations de palmiers à huile.
Le discours électoral ultra-sécuritaire du nouveau président a donc fait mouche, peu importe sa propre implication dans la politique de la « terre brûlée » dans le Quiché…… au début des années 1980, son rôle à la tête des services d’intelligence militaire au début des années 1990, les liens actuels de son parti d’extrême droite avec le crime organisé, etc…
A l’analyse, le général Otto Pérez Molina est le septième président élu depuis le retour à un État de droit « de façade » au Guatemala. Invariablement portés et financés par l’un ou l’autre secteur de l’oligarchie nationale, ses prédécesseurs se sont chacun offert les services d’un nouveau parti politique ad hoc, machine médiatico-électorale éphémère qui s’est systématiquement écrasée, comme son candidat, lors des élections suivantes. Sept partis et sept présidents distincts donc à la tête de l’État guatémaltèque en sept mandats. Volatilité politique record autant qu’insolite qui, ajoutée à l’importante abstention (40%), à l’atomisation de l’offre partisane, à un électorat désarticulé, à la continuité conservatrice et ultralibérale du pouvoir et à l’absence de forces progressistes fédératrices à l’échelon national, hypothèque le sens réellement démocratique de l’ « alternance » guatémaltèque.
Extraits d’une note de Bernard Duterme, CETRI, 2011
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DES CITATIONS
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TRANSVERSALES : LE GUATEMALA
C’est très rare. Exceptionnel même. Un média belge qui consacre une émission de 50 minutes au Guatemala. Une émission qui donne la parole à des acteurs d’horizons très divers : un ministre, des producteurs de café, des jeunes des rues de la capitale, des animateurs de groupes d’indigènes mayas, …
Et pour planter le décor, les premiers invités à s’exprimer ce sont les jeunes du Mojoca ! Ils ne seront pas les seuls à parler de corruption, de violences, d’abandons, … et d’un espoir qui n’est pas mort.
Un reportage exceptionnel. C’était ce samedi 30 avril sur La Première dans l’émission Transversales. Vous pouvez la découvrir ici.