Ces jeunes, qui sont-ils ?

« Je ne suis pas partie de chez moi par caprice, personne ne s’est occupé de moi. J’espère que tu ne l’oublies pas. Si nous sommes dans la rue, c’est parce que nous n’avons ni maison, ni famille, ni personne qui nous parle, nous aime et nous comprenne.

Cela, nous ne le trouvons que dans la rue. »

« Ce sont mes compagnons, ils sont porteurs d’une véritable espérance. »

Mais la vie en rue est terrible, elle est faite de peur, de faim, de froid, de la drogue et du mépris des autres : « Je connais la rue et sa brutalité », « La rue est une expérience très dure », « Comme est cruelle la faim qui les tenaille, quelle tristesse dans leurs yeux qui ne savent plus pleurer. Quelle misère que d’avoir le ciel pour seul toit et de vieux journaux en guise de matelas, et le froid qui vous transperce les os dans les nuits sans fin de la solitude. »

Les jeunes des rues sont « la honte de cette société cruelle ». Ils sont considérés comme des délinquants qui polluent une ville qui doit s’en débarrasser en les chassant, et s’il faut, en les assassinant.

 

 

KENIA

La vie de K.

De passage en Belgique au mois de juin 2014, K. a rencontré plusieurs groupes et témoigné généreusement d’un vécu fait d’amitiés, mais aussi de beaucoup d’épreuves. De sa famille déchirée à des conditions de travail dantesques. De son passage par des institutions moyenâgeuses, par la rue… Jusqu’à la découverte du MOJOCA. Bouleversant.

Le texte complet ici.

 

 

Journal de bord de DIANE BLOCH – 24/08/2014 – Imbassaí (Bahia) – Brésil

Une jeune journaliste française gardait un fort souvenir de son passage au MOJOCA voici 5 ans déjà. Aujourd’hui résidente au Brésil, elle a décidé de faire découvrir le Mouvement à son compagnon et à son fils. Au fil de plusieurs journées d’immersion, elle a tenu un journal de bord. Elle rend compte avec beaucoup de sensibilité de ce qu’elle a vu et vécu. Des rencontres parfois difficiles, une ambiance très chaleureuse, des activités au ras des pâquerettes et importantes à la fois.

Le texte complet ici.

 

 

ELSA

Elsa, 21 ans, est morte le 5 février au matin. Elle avait un gamin de 4 ans. Ceux qui ont regardé la vidéo « L’éducation est amitié et liberté » l’ont entendue parler de son histoire.
Elsa était une fille de la rue qui cheminait avec le MOJOCA. Elle a été froidement abattue par des tueurs. Ils ont tiré 5 balles à bout portant. Encore une victime de l’effroyable violence qui règne dans les rues de Guatemala Ciudad.

Pourquoi a-t-on tué Elsa ?

La réponse est à la fois simple et difficile, si pas impossible. Simple parce que nous vivons dans un monde où ce qui compte, c’est l’argent, le profit, le pouvoir, pas les personnes. Dans le monde actuel où tout se vend et tout s’achète, la personne n’a aucune importance, aucun droit. Elsa n’avait aucun droit.
Mais quels droits ont les enfants, les jeunes comme Elsa, les femmes et les hommes qui tentent de trouver un refuge en traversant la Méditerranée et qui sont repoussés et meurent par milliers ? Quels droits ont les milliers d’enfants qui meurent de faim chaque jour, qui sont   blessés, mutilés, tués, dans les guerres pour le contrôle du pétrole ?
Tu connais tout ça, le contexte économique, social, culturel dans lequel se déroule l’assassinat d’Elsa. Bien sûr, c’est difficilement imaginable en Belgique ou en Europe.
Au Guatemala, aux marges de l’empire, le système économique dominant ne perd pas son temps pour se masquer. On le voit tel qu’il est, dans toute son horreur. Les multinationales chassent les paysans de leurs terres, ils font tuer ceux qui s’opposent, qui revendiquent leurs droits. Les grands-parents d’Elsa ont peut-être perdu leur gagne-pain de cette façon. Ils ont sans doute migré comme la plupart des gens qui, comme eux, vivent dans la 18ème zone de la capitale.
La 18ème zone, d’où proviennent la plupart des enfants et des jeunes des rues, est un enchevêtrement de bidonvilles où s’entassent des dizaines de milliers de personnes. Une zone « rouge » c’est-à-dire une zone où l’armée a le droit d’intervenir pour rétablir l’ordre dominant. Une zone de misère et de violence des trafiquants de drogue.
C’est là que Elsa a grandi. Là où domine la misère, l’alcoolisme est présent. « Ma mère buvait beaucoup, disait Elsa, c’est pour ça que j’ai été vivre dans la rue ». Je n’ai pas eu l’occasion de parler longtemps avec Elsa. Je ne sais pas si elle a été violée, comme cela arrive souvent dans les milieux soumis à la force brutale des hommes. Elsa a vécu dans les rues la majeure partie de son existence. Dans la rue, la mort n’est jamais loin. Chaque jour une quinzaine de personnes, en grande partie des jeunes, sont abattus dans la capitale. Des escadrons de la mort sévissent. Ils éliminent les jeunes qui font partie des bandes. Les commerçants peuvent engager un tueur à gages. Elsa prenait une boisson avec un compagnon dans une cafétéria quand le tueur a fait irruption. Qui était visé, elle, lui, tous les deux ? Nous ne le saurons jamais. Mais ça n’a pas d’importance. Elsa, comme des centaines de millions d’êtres humains, est la victime d’un système soumis à l’argent.

…la violence et la misère, ça ne détruit pas que les corps, ça mutile aussi les âmes. Aussi notre travail dans les rues, c’est aussi de soigner les blessures de l’âme et du cœur. Un enfant qui n’a connu que le mépris, le rejet et la violence, perd toute confiance en lui et dans les autres. Nous devons l’accompagner dans son cheminement intérieur, l’aimer gratuitement pour qu’il apprenne à s’aimer et à aimer les autres, lui faire confiance pour qu’il apprenne à se faire confiance et à faire confiance aux autres. C’est ça le MOJOCA, une école de l’amitié et de la non-violence active.

Extraits d’échanges épistolaires après l’assassinat de la jeune Elsa, février 2014

 

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SARA

Peinture et estime de soi

Je m’appelle Sara. J’ai 27 ans et je viens de la périphérie populaire de Naples. Dans mon quartier, je lutte contre les injustices. En particulier contre la sélection par l’école qui élimine les enfants et les jeunes des familles pauvres. Je me bats aussi contre les inégalités entre hommes et femmes. J’ai obtenu un diplôme d’infirmière en 2012 et ai décidé de m’offrir un cadeau : un voyage au Guatemala. J’ai séjourné au Mojoca en février et mars 2013.

J’ai fait ce voyage parce que j’étais enthousiaste à la perspective de connaître de l’intérieur le Mojoca. Ce Mouvement a une manière neuve, si pas unique, de lutter contre la violence, la marginalisation du peuple opprimé et la destruction de l’humain par les oppresseurs.
J’ai cherché à vivre en contact aussi étroit que possible avec les réalités du Mojoca. Aussi bien dans les réunions des comités que dans la rue. Mais c’est essentiellement à la vie de la Maison du 8 mars que j’ai participé. Dormir là m’a permis de bien mieux connaître les jeunes femmes qui y résident, même si je ne comprenais pas toujours parfaitement leur langage. J’ai eu l’occasion d’y organiser un atelier de peinture qui proposait aux jeunes de peindre des t-shirts. C’était une manière de les faire entrer la tête haute dans le monde du travail. Chose extrêmement difficile pour les jeunes de la rue.

L’atelier a dépassé le simple fait d’apprendre pour exécuter. Pour moi, il a été un excellent moyen de communiquer et je suis entrée en contact avec ce qu’il y a de meilleur en chacune d’elles. Je les initiais à un outil qui leur permettait d’exprimer leurs capacités.
Elles ne sont pas seulement arrivées à une bonne maîtrise technique, mais elles ont donné libre cours à leur créativité, à leur persévérance, à leur sens de l’engagement, … En un mot, à leur capacité à se mettre en jeu malgré la fatigue du travail. Ce fut pour moi la possibilité d’une relation toute en douceur.

Pour elles, cet atelier a été une redécouverte. Je sentais que si elles parvenaient à peindre même des lignes simples, elles oubliaient tout le reste et se relaxaient. C’était comme si le monde s’arrêtait et qu’elles vivaient un moment unique pour elles-mêmes. En outre, élément très important, elles se sentaient valorisées. A preuve, quand elles commençaient à peindre, certaines ne voulaient plus s’arrêter et voulaient continuer après le repas du soir alors qu’elles avaient commencé le matin. Ou encore la satisfaction qui se lisait sur leur visage quand elles terminaient un beau travail ou quand elles restaient en admiration devant des tableaux que des artistes de rue exposaient.
Enfin quand l’une d’entre elles a dit : « Ça me plairait d’être dans la rue, de voyager et de peindre.»
L’atelier a été trop court. Mais j’espère que ce que ces jeunes femmes ont réussi à comprendre sur elles-mêmes à travers cet outil ne disparaitra pas. Que ces nouvelles pensées et sentiments les aideront dans le travail pour augmenter leur estime d’elles-mêmes et pour croire en leur valeur comme personne humaine en train de sortir de leur condition de marginalisées.

Sara Ruggiano

Extrait du Bulletin de liaison de septembre 2013

 

Lettres de la rue 

Gérard Lutte envoie de temps à autres des « lettres de la rue » qui décrivent la vie à Ciudad Guatemala en adoptant le parti des jeunes de la rue. Il y évoque aussi les temps forts de la vie du Mojoca. Il veille toujours à inscrire ses analyses dans sa vision plus globale de la « marche du monde ».

LETTRE DE LA RUE, août 2015 : LE MOJOCA DANS LA TOURMENTE

LETTRE DE LA RUE, 2016 : LE MOJOCA QUE VOUS NE CONNAISSEZ GUERE

 

Amistrada, le réseau de nos amis italiens, propose I Funambuli, un recueil de témoignages et portraits de jeunes de la rue du Mojoca.

L’auteur écrit : « Les jeunes de la rue marchent sur un fil, ils tombent et se relèvent continuellement ».

Funambule sur la rue

Ville de Guatemala. Vingt jeunes racontent à la première personne leur vie dans la rue et le combat obstiné pour en sortir. Rejetés par les familles ou pour fuir la violence qui les menace à la maison, ils se retrouvent à l’âge tendre à compter avec le froid, avec le regard hostile des gens et avec une liberté difficile à gérer. Histoires de drogues, embuscades, viols, homicides, mais aussi d’amitié, fierté, espoir en un avenir lumineux et en un monde différent à transmettre aux enfants de demain.

Mais changer de vie est une entreprise presqu’impossible : les jeunes de la rue marchent en équilibre sur un fil, ils tombent et se relèvent continuellement.

Dépendance, manque d’estime de soi et solitude finissent par saisir aussi le plus habile des funambules. L’unique solution est de faire front commun, en s’organisant dans le Mouvement des Jeunes de la rue du Guatemala (Mojoca) dont font partie les protagonistes de ce livre.

Les témoignages ont été recueillis par A. Genzone, un éducateur  qui, au cours d’un circuit de deux ans autour du monde, a passé quelques mois avec les jeunes du Mojoca.

Andrea Genzone, né en 1982, travaille comme éducateur dans des contextes de grand malaise social (province de Milan). Son blog : andreiaway.it.