Histoire

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Gérard Lutte1993-2018 :
le Mojoca a 25 ans !
Paroles de Gérard Lutte aux travailleuses et travailleurs en réunion d’ouverture de l’année sociale 2018, le 11 janvier. Extraits.

 

Il y a 25 ans, le rêve d’un Mouvement des jeunes de la rue naissait.
Tout a commencé au mois d’avril 1993 lors de mes rencontres avec 60 filles et garçons des rues. Ils m’ont raconté l’histoire de leur vie. Ces rencontres ont eu pour chacun-e de nous une influence profonde sur la suite de notre vie.
Je me suis identifié à chaque jeune, j’ai souffert avec lui les violences qu’il endurait et je me suis réjoui de ses petits bonheurs. Ainsi j’ai découvert leurs valeurs et leur capacité à devenir responsables d’eux-mêmes et dans la société. J’ai donc décidé de revenir au Guatemala, de les appuyer dans la réalisation de leurs rêves et de me mettre pour le restant de ma vie à leur service.

L’amitié

Au début était l’amitié. C’est la base, le fondement, l’identité du Mojoca. L’amitié, avant tout, c’est l’égalité. Personne ne vaut plus que les autres. Personne ne peut dominer les autres. L’amitié, c’est aussi le respect de l’autre, la confiance en l’autre, la conviction que l’autre peut changer. L’amitié, c’est partager. Dans un groupe, c’est prendre les décisions ensemble  : c’est la responsabilité collective que nous appelons autogestion.
L’amitié exige aussi de ne pas accepter les injustices sociales et de s’engager pour la construction d’une société où les richesses soient redistribuées au profit de tous. Un monde dans lequel les droits de chaque personne soient respectés.
L’amitié, c’est encore une attention privilégiée portée aux plus faibles  : les enfants, les malades, les prisonniers, …

Le Mouvement

C’est très important : cela veut dire un groupe qui évolue, qui n’est pas enfermé dans des règles rigides. Un groupe qui évolue en fonction des réalités sociales, économiques, politiques et des nouveaux besoins qui apparaissent.
Un petit groupe de personnes conscientes et responsables qui donnent à d’autres l’envie de les rejoindre, d’aller avec eux à la rencontre des jeunes de la rue. De parler avec eux, de lier amitié et de les inviter à se lever et faire chemin avec nous.

Le développement

Il y eut bien sûr des hauts et des bas : de nombreux nouveaux chantiers, davantage de travailleuses-eurs. Parfois une certaine érosion des valeurs initiales et des échecs avec certains jeunes. Mais aussi tant de réussites !
Aujourd’hui, nous entamons une phase où nous retrouvons l’enthousiasme des origines. C’est possible grâce à vous.

Le contexte

La situation sociale, politique et économique du pays se détériore de façon alarmante. La droite corrompue, raciste et criminelle a repris le pouvoir qu’elle avait perdu au moment du « printemps guatémaltèque ». La pauvreté et l’extrême pauvreté, le chômage et la violence croissent. Trump, l’empereur du capitalisme occidental, renoue les vieilles alliances avec l’oligarchie, les militaires et les bandes criminelles.
En Europe aussi augmentent la pauvreté, le chômage et les migrations de personnes qui fuient les guerres et la misère produites par le capitalisme mondialisé.
Au même moment, les communautés et organisations indigènes résistent à l’oppression des multinationales, elles défendent leur identité et la Terre Mère. Nombre d’organisations défendent les droits humains et/ou développent une économie sociale et solidaire.

Dans ce contexte, la présence du Mojoca est plus que jamais nécessaire pour être aux côtés des filles et des garçons des rues.

Les défis

Gérard Lutte pointe les 10 principaux défi s à relever. On peut lire le détail de son propos sur le site  www.mojoca.be   Nous les citons :

◆     Améliorer encore notre organisation et nos méthodes éducatives
◆     Intensifier et élargir la formation du personnel
◆     Renforcer la présence et le travail dans la rue
◆    Les ateliers de production  : avec l’apport d’une nouvelle animatrice, il s’agira d’améliorer et de diversifier la production, d’augmenter le volume des ventes pour s’approcher de l’autofinancement. C’est aussi un enjeu majeur pour les jeunes  : non seulement des jeunes rejetés par les entreprises y trouvent du travail, mais ce travail est un moment privilégié pour former, dans l’esprit du Mojoca, des personnes neuves, dotées d’une discipline personnelle et du sens de la solidarité et de la justice sociale.
◆    Renforcement du service psychologique et du service santé

Une politique salariale plus solidaire : inspirée du souci de l’égalité et en rupture avec les hiérarchies et inégalités du système capitaliste, la Junta directiva (le CA) a décidé d’augmenter progressivement les salaires les plus bas pour en revenir à des salaires très proches les uns des autres (+/- 5.000 quetzales).
« Nous ne sommes pas les employés d’une entreprise, mais les militants d’un Mouvement de libération et d’amitié. »

Le futur est entre vos mains
J’ai travaillé ici pendant un quart de siècle et mon engagement avec les jeunes de la rue et leur organisation touche à sa fin. Je voudrais, pour célébrer ces 25 années d’amitié, me consacrer pendant 2 mois et demi à renforcer notre réseau d’amitié en Italie, par la création de 25 nouvelles « antennes d’espérance et de solidarité ».
Je ne veux pas de célébrations pour fêter ces 25 premières années. C’est un rêve collectif qui est partagé par des milliers de jeunes et d’adultes au Guatemala et dans d’autres pays du monde. Je désire seulement que le Mojoca soit toujours plus fidèle au rêve des premières années.

 

Le MOJOCA – Bref historique

C’est en 1993 que Gérard Lutte, un belge originaire de Genappe, a réalisé une enquête et recueilli les récits de vie de 59 filles et garçons des rues (1). La plupart d’entre eux avaient quitté les institutions où ils avaient été placés. Ils ne supportaient plus d’être soumis aux règles des adultes, de ne pouvoir décider eux-mêmes de leur sort et, pour certains, d’être maltraités et séparés de leurs enfants.

Le rêve de créer autre chose avec eux se développa lentement. En tissant des liens d’amitié avec ces filles et ces garçons, en écoutant leurs aspirations, en les aidant à réaliser leurs projets: études, travail, location d’une petite maison, …

Jusqu’à la fin de 1998, le travail se déroulait exclusivement dans la rue. Mais la nécessité d’un lieu se faisait sentir et, grâce au soutien des réseaux d’amitié et de l’Union Européenne, ce fut d’abord l’acquisition du centre éducatif où se situent l’école du Mouvement, les ateliers de formation professionnelle, les lieux de réunion et de formation.

Plus récemment, le Mouvement a pu acquérir la « Casa ocho de marzo » (Maison du 8 mars) pour les jeunes mamans et leurs enfants et louer une autre maison pour les garçons (la casa de los amigos) qui veulent vivre loin de la violence de la rue.

Un nouveau groupe « Generación del cambio » a vu le jour en 2010. Il est constitué des jeunes adolescent(e)s, filles et fils des jeunes rencontrés dans la rue au début de l’histoire du Mouvement et maintenant sortis de la rue. Ces jeunes ne connaitront pas la vie dans la rue. Mieux : ils s’engagent comme acteurs de changement .

La fin de l’année 2012 a été marquée par un tournant important, qualifié de « refondation ». Sans remettre en cause les valeurs et actions menées, les jeunes ont décidé de « mettre le paquet » sur la création de micro-entreprises. C’est la seule manière de créer de l’emploi pour les jeunes les plus marginalisés.
Cela se concrétise dans les « ateliers solidaires » (Talleres solidarios- voir photos) et par l’ouverture en 2013 d’une pizzeria qui propose aussi des « gaufres belges ».
Dans la même perspective, un ambitieux travail de formation professionnelle démarre cette année.

A noter aussi : des avancées importantes sur le chemin de l’autogestion. Avec des prises de responsabilités de plus en plus conséquentes des jeunes dans les différents organes de décision.

Dorénavant, le Mojoca est connu et apprécié par nombre de personnes et associations au Guatemala et dans plusieurs pays. Il est soutenu non seulement financièrement mais aussi sur le plan administratif et éducatif ou encore par des volontaires qui y travaillent six mois ou une année entière.

(1) Gérard Lutte, Les enfants de la rue au Guatemala, Princesses et rêveurs, L’Harmattant, 1997

 

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