Coopération au développement

« Si tu veux aller vite, marche seul,

Mais si tu veux aller loin, marchons ensemble »

 

Le soutien au Mojoca s’inscrit dans la galaxie de la coopération au développement. Mais quel développement ? Nos amis, signataires du texte ci-dessous, mettent en évidence que les réponses à cette question fondamentale sont éminemment politiques. Elles valent autant pour nos pays que pour le Mojoca, le Guatemala et tous les pays du Sud. Ce texte est une invitation à élargir nos horizons et à être attentif à la politique de coopération. La grande oubliée des campagnes électorales et des médias. Y a-t-il du neuf en ce mois d’octobre ? A nous de vérifier !

Un « nouvel ordre managérial » issu du monde de l’entreprise, appliqué au monde du développement au nom de « l’efficacité de l’aide », s’est imposé comme le nouveau paradigme réformateur de la coopération internationale, puissamment relayé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le club des pays industrialisés.

Un choix politique délibéré

En faisant ce choix qui consiste à instituer un environnement de « quasi-marché » pour les politiques publiques, le gouvernement belge de Charles Michel a donc clairement choisi son camp : importer des procédures et des politiques issues du secteur privé et mobiliser auprès de lui, dans un contexte d’austérité imposée, des moyens financiers nouveaux qui vont servir, notamment dans le cadre des financements mixtes public-privé (blending), à construire de nouveaux dispositifs d’intervention de plus en plus intégré aux institutions du marché. Ce que ne manquait pas de souligner un récent dossier de la Revue Nouvelle[1] 

 

Un choix qui vient confirmer une tendance amorcée depuis 2010 : la baisse continue des moyens publics consacrés à l’aide au développement et l’instrumentalisation de celle-ci au profit d’intérêts politiques, économiques ou géostratégiques belges (notamment la prévention des mouvements migratoires). Durant cette dernière décennie, le montant de l’aide publique belge a nettement régressé, de 23% en termes absolus et de 30% en termes relatifs. Qui plus est, ce montant diminué inclut la part de l’aide dite « fantôme », qui ne contribue pas directement au développement des pays du Sud mais est finalement dépensée en Belgique (notamment l’accueil des demandeurs d’asile).

 

De l’examen des données chiffrées, il résulte donc que l’aide publique de la Belgique au développement a été fragilisée.

De son côté, la coopération non gouvernementale (via les ONG, les associations, les universités et hautes écoles, etc.) a  subi une vague de changements à marche forcée. Révision des agréments des ONG sur base de critères étroitement managériaux, bureaucratisation pointilleuse et accaparante, lourdes procédures de concertation imposée entre ces acteurs… Autant la rigueur dans la gestion se justifie, autant ces réformes ont abouti à des simplifications arbitraires, à l’asphyxie des petites structures et à une perte de sens du travail des professionnels. Bien des interventions, dont l’impact sur la vie des populations du Sud est direct,  ont été affectées par une réduction des  moyens publics.    

 

Et puis arriva le COVID-19…

 

Le péril sanitaire provoqué par le COVID-19 a affecté l’ensemble des continents. La coopération belge au développement y a réagi, tout comme les différents secteurs de l’économie et de la vie en société, via des réponses qui vont de l’aide d’urgence (par exemple en envoyant quelques ambulances à Kinshasa) à des actions de moyen terme notamment dans le cadre de réallocations budgétaires. 

Si ces réponses sont nécessaires dans l’immédiat, elles n’en sont pas moins totalement insuffisantes face aux interpellations fondamentales auxquelles la pandémie actuelle nous confronte brutalement. Puissant révélateur et loupe grossissante des inégalités et des fractures toujours plus nombreuses au sein de nos propres pays et encore davantage dans ceux du Sud, cette crise nous confronte à une impasse majeure : celle du modèle de développement et du néolibéralisme globalisés dont la politique belge menée durant la législature écoulée n’est qu’un des nombreux avatars. Que faire alors pour que l’après COVID-19 de la coopération belge au développement ne soit pas une simple copie de l’avant ?

Quand bien même le clivage entre « Nord » et « Sud » de la planète persiste et s’accroît, les enjeux apparaissent plus que jamais communs. Les besoins prioritaires des populations du Sud sont exactement les mêmes que les nôtres : un système de santé et de protection sociale de qualité et accessibles à tous, un enseignement qui construit le savoir et l’émancipation des adultes de demain, des systèmes alimentaires résilients et ancrés dans la transition agro écologique, qui préservent les écosystèmes, des ressources naturelles disponibles de manière équitable aujourd’hui mais aussi pour les générations futures,  et enfin, last but not least, un Etat réinvesti non seulement de ses fonctions régaliennes essentielles mais également de son rôle stratégique d’orientation du développement et de juste répartition de ses bénéfices. Les 17 objectifs du développement durable adoptés en 2015 par les Nations Unies ne visent pas autre chose ; ils apparaissent plus que jamais semblables pour tous, au Nord comme au Sud. Or, une politique de coopération au développement caractérisée par un perpétuel « stop and go », qui multiplie les changements de cap, engluée dans la gestion de sa structuration belgo-belge et hypnotisée par les effets de mode tels que la digitalisation ou la mobilisation marginale du secteur privé, n’est pas à la hauteur de ces objectifs.

 

Rappel des fondamentaux

 

 La crise que nous vivons n’est pas qu’une pandémie de plus mais révèle le caractère profondément inégalitaire et destructeur du modèle de développement en cours tout comme l’inanité de la version « light » de l’État, que nous vendent les intégristes du néo-libéralisme. Face à cela, nous sommes convaincus de la nécessité d’opérer un basculement significatif de notre coopération au développement au profit d’un certain nombre de « fondamentaux » : le soutien à une agriculture paysanne et agro-écologique comme le réclame la nouvelle campagne de la Coalition contre la faim[2], l’appui aux structures de santé de première ligne (fers de lance des luttes contre toutes les pandémies) et le développement de systèmes de protection sociale pour réduire les inégalités, le soutien aux projets d’économie sociale et solidaire et aux circuits courts qui permettent aux populations de réduire leur dépendance vis-à-vis de l’économie mondialisée. De même, il nous semble nécessaire de ré-encastrer dans la sphère publique, en les soustrayant à toute logique prédatrice et mercantile, les biens indispensables à la vie comme l’eau, un environnement sain, les ressources naturelles fondamentales. Mener ces actions suppose et impose que l’action de l’État soit redéfinie dans le sens de la recherche, pour tous, du bien commun. Cet horizon politique désirable est urgent pour rompre le cercle mortifère et sans issue du marché comme seule rationalité politique.

La pandémie du COVID-19 nous a brutalement rappelé l’interdépendance étroite entre  les différentes nations de notre planète : à long terme, notre développement est indissociablement  lié à celui des autres nations et en particulier de celles du Sud. Comme le dit un proverbe africain : « si tu veux aller vite, marche seul mais si tu veux aller loin, marchons ensemble ». Plus que jamais la coopération au développement peut être un des domaines de l’action publique susceptibles de contribuer à une relance  dans cette direction… A condition d’être sous-tendue par une stratégie pensée et construite pour durer. Au cœur du cahier de charges de l’après COVID-19, citoyens, professionnels et politiques sont confrontés à cette question : quel est le sens et la nature du développement qu’on souhaite voir advenir au Sud…et au Nord.

Le prochain gouvernement sera-t-il en mesure de relever ce défi ?

 

Marleen Bosmans, experte droits humains

Paul Géradin, professeur e.r.

Pierre Grega, évaluateur de projets de développement

Alain Laigneaux : conseiller en développement rural

Georges Pierseaux : bio ingénieur spécialisé en économie agricole.

 

[1] La Coopération au développement : auscultation d’une réforme in La Revue Nouvelle, n°03/2019, avril 2019.

[2] #Yes2Agroecology, Communiqué de presse de la Coalition contre la faim/Coalitie tegen honger, juin 2020

Comment affronter la pandémie ?

 

Appel de 25 associations guatémaltèques

Un texte à lire ici de grande qualité (signé par 25 associations de la société civile) évoque des pistes pour affronter le virus. A commencer par une réforme radicale d’une société d’exclusion. Un rappel salutaire de tous les groupes de femmes, d’hommes et de jeunes qui vivent dans la pauvreté (extrême), dans des conditions qui ne permettent pas de respecter les directives du pouvoir.

Un appel à des changements en profondeur au Guatemala (mais pas seulement) pour plus de justice, d’égalité, de fraternité et de respect de la Terre, notre Mère.

 

 

La pandémie au Guatemala (suite)

La presse belge fait état de la propagation inquiétante du Covid en Amérique latine. Tous les projecteurs sont braqués sur le Brésil, le Mexique, le Pérou, … Pas un mot sur le Guatemala. La situation y est pourtant particulièrement alarmante, comme on le lira (ici) dans l’entretien avec la « defensora de la salud » auprès du procureur pour les Droits humains.

 Le système sanitaire est déjà défaillant en temps « normal ». Il se révèle tout à fait incapable de faire face à la pandémie. Malgré le courage du personnel soignant. C’est au point que de nombreuses voix ont demandé la démission du ministre de la santé. Sans suite.

Le Coronavirus au Guatemala

Freepik
 
Nos médias nous parlent trop peu des ravages que le Covid-19 provoque et continuera à provoquer dans les pays pauvres. Gérard Lutte nous a envoyé des éléments qui permettent d’un peu mieux imaginer la situation au Guatemala.
Aux côtés des pauvres et des jeunes de la rue. A lire ici.
 
Au Sénégal, le Covid-19 fait également des ravages, découvrir l’article de la RTBF.
Ainsi que dans toutes les grandes villes des pays du Sud de la planète…
 

8 Mars – Droits des femmes

Le MOJOCA a toujours accordé une attention particulière aux filles des rues (Maison du 8 Mars). Les filles et jeunes femmes sont les victimes « privilégiées » des violences institutionnelles et du machisme de la société : El païs de los hombres que no aman a las mujeres. Nous proposons trois articles récents sur la situation de ces jeunes jeunes. Alarmants !
Le Mouvement participera, comme chaque année, aux manifestations festives et revendicatives le 8 mars >Lire

Nuestras madres et l’abuelo

Heureuse coïncidence : la même semaine nous recevions un très bel article sur le travail du Mojoca et sortait sur nos écrans le film Nuestras Madres de César Diaz, un réalisateur belgo-guatémaltèque.

Deux regards complémentaires sur la société guatémaltèque.

Le film de C. Diaz a reçu un excellent accueil de la critique et de nombreux prix bien mérités (lire l’article du Soir).

L’article de Pascale Sury, illustré de très belles photos, rend compte d’une partie du travail réalisé au Mojoca (à découvrir ici). On peut aussi découvrir l’ensemble de son reportage-photo sur ce site (galerie photos).

Vous ne regretterez pas le détour par ces documents.

Un bel article illustré sur le Mojoca : « A 90 ans, Gérard aide les jeunes des rues de Guatemala à se bâtir un avenir »

Les jeunes des rues et le fondateur du Mouvement, Gérard Lutte, ont attiré l’attention de Jonathan Bradfer (RTBF) et de Pascale Sury, photographe. Jonathan et Pascale font un tour du monde pour rencontrer des personnes et projets « inspirants ». Ils ont retenu Mojoca dans leur sélection.
Ils ont déjà fait cadeau au Réseau belge d’amitié avec les jeunes de la rue de très belles photos (www.mojoca.be). Et puis, tout récemment, Pascale a écrit un bel article illustré de quelques-unes de ses photos :

Dont voici un extrait :
Gérard nous emmène découvrir les ateliers de formation professionnelle : la menuiserie, la cuisine, la pâtisserie, la couture, le Mojocafé. Des activités essentielles pour sortir les jeunes de la rue, leur donner des perspectives d’avenir et réparer leur santé : toutes ces activités stimulent leur équilibre, leur dextérité, leur système nerveux affaibli par la drogue. Derrière sa machine à coudre, Joao est concentré sur le raccommodage d’un pantalon.
Dans la pièce voisine, Jackelin, sa copine de 19 ans, enceinte, est en train de suivre son cours de cuisine. Tous deux vont bientôt bénéficier d’une aide pour la réinsertion, de quoi s’entourer de quelques biens essentiels pour vivre une vie à deux et même à trois ! 
En attendant, ils apprennent avec ardeur: « Pour moi, c’était important de venir ici, de sortir de la rue avant d’avoir mon fils. Essayer d’avoir une vie meilleure ! », raconte timidement Jackelin. « La vie est bien mieux ici que dans la rue. Maintenant, mon rêve pour le futur est de finir mes études, de prendre soin de mon fils et d’avoir une maison ».

Prenez le temps de lire tout l’article – c’est ici –. Pas de misérabilisme.
Un regard chaleureux sur ces jeunes que la société guatémaltèque considère comme des ordures. De beaux visages. De belles personnes.
Si cette brève lecture vous convainc que c’est un projet qui mérite d’être soutenu, n’hésitez pas ! Nous manquons cruellement de moyens pour assurer aux 20 « asesores » (accompagnateurs) des salaires à la hauteur de leur travail difficile et gages d’implication dans la durée.
Merci de penser à ces jeunes enfants, adolescents et aux travailleurs de la rue
qui les accompagnent sur les chemins de l’émancipation.
Pourquoi ne pas les ajouter à la liste des bénéficiaires de vos cadeaux de fin d’année ? Qu’elles et ils soient aussi de la fête !

Merci de votre attention.
Belles fêtes solidaires
Jacques Liesenborghs et le CA du Réseau belge d’amitié avec les jeunes de la rue

Notre artisanat

 

 

 

Les formations proposées par le MOJOCA aux jeunes de la rue ont pour but de leur fournir des qualifications (couture, boulangerie, pizzeria) qui leur permettront de vivre dignement, en communauté d’amitié, heureux d’appartenir à un mouvement qui résiste, qui s’engage, qui défend …
A défaut de vous faire goûter les délicieuses pizzas nous vous invitons à découvrir les réalisations de l’atelier couture (sur notre site www.mojoca.be). Elles sont la marque d’une culture et sont simplement belles. C’est du « commerce équitable ».
C’est un encouragement et une aide à retrouver une dignité trop souvent bafouée. Il faut voir la fierté des jeunes qui apprennent que leurs réalisations ont du succès en Belgique et en Italie.

C’est du lien  : utiliser, porter sur soi, offrir  : ça laisse des traces qui invitent à rester reliés par la pensée et ça provoque aussi des questions sur le MOJOCA.
C’est de la beauté, des couleurs, des savoir-faire qui viennent d’une culture et qui nous parlent de l’identité de ces peuples de l’Amérique centrale dont le Guatemala et de la culture du peuple MAYA. Et pour eux se vêtir ainsi selon la tradition est l’affirmation d’une identité, un signe de résistance de la part d’un peuple trop souvent maltraité. Disponibles et visibles sur le site  : porte-clés et porte-monnaie, étui lunettes ou de GSM, sacs avec bretelle d’épaule, au sac double … Et encore : superbes nappes et coussins, sets de tables et précieuses maniques pour les plats chauds. Et de petits objets typiques  : guirlandes, bracelets, poupées, marque-pages, … Un joyeux mélange, à tous les prix, où il est difficile de ne pas trouver quelque chose qui plaise et qu’on peut offrir.

Y songer pour organiser un marché de Noël ? On y sera vite !

Pour les modalités pratiques, s’adresser à Jacqueline : Grand Rue, 33 – 6724 Marbehan – tél. 063 41 39 12
ou Béatrice : rue du bailli, 9 – 5080 Warisoulx – tél. 081 51 35 04.

 

Giammattei ???

C’est le nom du vainqueur des élections présidentielles du 11 aout au Guatemala. Il entrera en fonction en janvier 2020. Seulement 40% des électeurs inscrits ont participé au vote. Une nette baisse par rapport aux scrutins précédents. On peut le comprendre : c’était le choix entre la peste et le choléra.
La présidence du comédien Morales ne laissera que de mauvais souvenirs au peuple. On se souviendra du drame du Hogar seguro (41 jeunes filles brulées vives) et de la détérioration des conditions de vie des plus pauvres. Cette année, il a mis un terme prématurément au mandat de la Commission internationale de lutte contre l’impunité (CIGIC). Il est vrai qu’elle avait trainé en justice pas moins de 650 proches du pouvoir. Dont le fils du Président  ! La Commission avait donné l’espoir aux Guatémaltèques qu’il était possible de lutter efficacement contre la corruption et le crime organisé.
Des citoyens ont eu le courage de peindre une fresque avec la mention : « Merci CIGIC. Le peuple n’oubliera pas ». L’ex-patron de la CIGIC parle, lui dans Le Monde de « détérioration persistante de l’Etat de Droit, de démocratie en déliquescence, d’Etat capturé aux mains des groupes les plus puissants ». L’oligarchie dont nous parlons régulièrement.
Et demain ?
Ce nouveau président s’est entouré de gens peu recommandables parmi lesquels des financiers véreux, d’anciens militaires et même des narcotraficants ! 

Comme l’écrit l’hebdomadaire Nomada : « Le système peut respirer et célébrer sa victoire. Alors que la CIGIC l’avait mis dans les cordes entre 2014 et 2018 ». Giammattei a évidemment confirmé la décision de Morales  : plus de CIGC  ! Dans son programme, on ne trouve aucune mesure susceptible d’inquiéter le système et d’instaurer plus de justice sociale et fiscale.
Et pourtant le système a un urgent besoin d’être profondément réformé. Le diagnostic de Nomada est sévère, très sévère :

➜ Un pays profondément inégalitaire : 260 personnes détiennent 56% de la richesse nationale. Tandis que la moitié de la population souffre de malnutrition et vit sous le seuil de pauvreté.
➜ Ce modèle de développement a entrainé cette année la migration de 250.000 Guatémaltèques dans les rangs de la « caravana » que Trump a accueillie avec son mur et son armée.
➜ Le taux d’imposition est très bas (10%) et il ne permet pas d’investir dans les soins de santé, l’éducation, les services publics.
➜ Le pays connait une épidémie de violences et d’abus sexuels contre les femmes et les filles. Un discours de haine contre les communautés indigènes et la communauté LGTBI se répand
➜ Seul 35% de la population a accès à la sécurité sociale.
C’est dire si le contexte dans lequel travaille le Mojoca est difficile. C’est dire aussi que former des jeunes de la rue qui ne se laissent pas entrainer dans la violence, mais au contraire apprennent à se respecter, à développer des comportements citoyens, c’est un projet ambitieux.